Le commis voyageur de la gastronomie, Gilles PUDLOWSKI

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Chefs d'Oc, magazine épicurien, numéro 27, été 2023

Né le 15 novembre 1950 à Metz en Moselle, Gilles PUDLOWSKI est écrivain, journaliste et critique gastronomique. Il rédige chaque jour le blog “Les Pieds dans le Plat” dans lequel il évoque ses coups de cœur, ses coups de gueule, ses reportages sur les tables et artisans de bouche d’ici et d’ailleurs, mais aussi ses comptes rendus de livres. Il est également l’auteur des célèbres guides “Pudlo”. Après de brillantes études, Gilles PUDLOWSKI débute au Quotidien de Paris de Philippe TESSON avant d’entrer aux Nouvelles Littéraires. Jean-François KAHN, qui reprend ce dernier, lui confie la responsabilité des pages littéraires et lui demande de prendre également en charge la chronique gastronomique. Christian MILLAU, qui le repère alors, lui propose de collaborer au guide Gault & Millau. Il écrit ensuite pour Paris Match, Cuisine et Vins de France, Le Figaro, France Inter… mais sa notoriété est liée au Point dont il fut le chroniqueur attitré de 1986 à 2014. Grand reporter, il assumera la responsabilité des pages tourisme, puis gastronomie, tout en collaborant activement à la rubrique littéraire. Écrivain confirmé, Gilles PUDLOWSKI a publié de nombreux ouvrages dont “À quoi sert vraiment un critique gastronomique ?” paru chez Armand Colin et qui est devenu l’ouvrage de référence sur ce métier. Il a été promu Chevalier des Arts et Lettres en 1986, Chevalier du Mérite agricole en 1996 et Chevalier dans l’Ordre national du Mérite en 2009.

Chroniqueur gastronomique, écrivain, journaliste, essayiste, bloggeur… comment vous situez-vous aujourd’hui ?

Tout est encore d’actualité ! Je suis un aventurier du goût et de la balade. Mon travail, c’est de raconter, de transmettre des émotions. Le boulot de critique est plus facile aujourd’hui qu’autrefois, vous savez ! Il y a beaucoup d’endroits où l’on mange très bien, beaucoup de cuisiniers à découvrir qui sont passés dans les cuisines des Grands Chefs et qui ouvrent leurs maisons.

J’ai lu que vous visitiez entre 1 000 et 1 200 restaurants par an, est-ce bien cela ? Arrivez-vous encore à être parfois surpris ou enchanté ?

Oui, c’est cela, mais je ne mange pas dans tous ! Mais bien sûr je suis encore souvent cueilli ! Hier soir, je suis allé manger chez Guillaume LECLERE, j’en suis sorti ému, c’était vraiment délicieux ! Une cuisine qui raconte des histoires, qui mélange la technique et l’émotionnel, un pur bonheur. Je découvre tous les jours de belles personnes et de beaux moments.

Chefs d'Oc, magazine épicurien, numéro 27, été 2023Vous aurez 73 ans en fin d’année, comment avez-vous abordé le virage du digital ?

En partie grâce à mon fils qui était en quelque sorte un précurseur, il avait notamment travaillé sur le site web des Relais & Châteaux. Il est dans le digital jusqu’au cou ! Et en mai 2010, on a lancé le blog ensemble, au rythme de quatre articles par jour : 6h, 12h, 16h et 20h, sept jours sur sept ! On parle hôtel, restaurant, boutique, livre… Lorsque nous avons atteint les 100 000 followers, je me souviens que les frères POURCEL avaient commenté en disant “Bravo Maître Yoda !”, comme si j’étais un vieux sage (sourires). Au delà de ça, j’ai toujours été très à l’aise avec les outils digitaux, j’avais un ordinateur quand mes collègues tapaient encore à la machine à écrire ! Et je suis plus bosseur que la moyenne ! Je cite souvent Christian MILLAU qui, lorsqu’il m’a rencontré en 1979, m’a dit “dans ce métier, les gens savent soit manger, soit écrire, rarement les deux, parfois aucun des deux. Si vous savez faire les deux, vous êtes sûr de réussir” ! J’ai la chance d’être bien entouré, je ne me consacre qu’à la partie plaisir de mon métier. Et je suis un marathonien, là je suis à Montpellier et on me demande d’aller à Lunel, à Pézenas, je ne me pose pas de questions, j’y vais !

Vous qui avez connu les grandes heures de la presse “papier”, quel regard portez-vous sur ses évolutions?

Un regard un peu triste malgré tout. La presse papier est toujours en retard maintenant ! Ce matin, dans le journal, je n’ai rien appris que je n’avais déjà lu ou entendu sur les réseaux sociaux ou à la radio. Le réseau auquel tout le monde se réfère aujourd’hui dans la gastronomie, c’est Instagram qui commence par “insta” et qui dit bien que tout cela doit être instantané… Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera plus forcément demain ! C’est le contraire de l’écriture, dont l’ambition pourrait être de transformer le vil plomb du journalisme en or pur de la littérature…

Vous êtes un amoureux de la France, comment la voyez-vous aujourd’hui ?

J’adore cette phrase de Sylvain TESSON qui dit que la France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer ! En France, tout le monde s’engueule pour n’importe quoi ! La manière de parler est épouvantable dans les débats politiques, les gens sont souvent pleins de convictions sans vraiment savoir de quoi ils parlent ! Je pense que c’est beaucoup dû à trop de communication et pas assez de voyages ! … Beaucoup devraient aller ailleurs observer comment vivent les gens pour reconnaître que la France est un pays merveilleux, le plus beau pays du Monde ! Plus je me balade, plus je découvre des endroits exceptionnels. Et ici, que j’appelle toujours le Languedoc, vous êtes dans un vrai paradis. Vous avez le soleil, l’eau, la campagne, la mer, la montagne, les légumes, les vins, le sourire, la gentillesse, l’hospitalité, la modestie (ce que l’on ne trouve pas sur la Côte d’Azur…). C’est une carte postale française ! J’apprécie aussi dans le Languedoc, comme dans pas mal d’autres régions, cette absence de prétention : on ne se la joue pas Ibiza, Marrakech ou Saint-Tropez ici, et c’est bien agréable !

Chefs d'Oc, magazine épicurien, numéro 27, été 2023

Quel est votre plus beau souvenir gastronomique ?

Je pourrais en citer mille mais si je dois choisir, ce n’est pas le plus récent (rires), je retiens chez Alain CHAPEL à Mionnay, dans l’Ain, une salade de pourpier servie avec un foie gras chaud, et une simple vinaigrette. C’était mon premier repas chez lui, j’ai un souvenir merveilleux à la fois de moelleux et de
croustillant. Il était accompagné d’un Pouilly-Fuissé qui n’était pas un vin cher à l’époque ! C’était parfait, en fait !

 

Chefs d'Oc, magazine épicurien, numéro 27, été 2023Toute l’année, l’Office du tourisme et des Congrès de Montpellier Méditerranée Métropole reçoit des journalistes nationaux et internationaux, ainsi que des influenceurs, afin de mettre en avant le territoire, la culture, le patrimoine, l’œnologie, mais aussi le savoir-faire de ses acteurs.

Valérie PADUANO, responsable du service Presse et Relations Publiques détaille :
“Gilles PUDLOWSKI fait partie des 289 journalistes et influenceurs accueillis lors des 55 accueils-presse organisés depuis le 1er janvier 2023. C’est une sommité dans le milieu de la gastronomie et de la restauration. Régulièrement, il vient découvrir les nouvelles pépites mais aussi l’évolution de nos Chefs et des restaurants de la région de Montpellier. C’est une belle mise en avant de nos adresses gourmandes et c’est un honneur et un plaisir de le recevoir ! Pour le faire venir, nous lui faisons parvenir via un communiqué de presse les nouveaux restaurants, les actualités des chefs…il faut lui donner envie ! Il regarde, il étudie, il valide, parfois il en demande d’autres ! C’est vraiment un programme co-construit entre le service presse et lui-même. Par la suite, nous rajoutons toujours quelques adresses gourmandes pour agrémenter sa visite. Cette année, nous avons souhaité mettre en avant les biscuiteries qui poussent dans Montpellier, un bar à cocktail ou encore une fromagerie. C’est une collaboration efficace et agréable, avec pour maître-mot la confiance”.

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Chefs d'Oc, magazine épicurien, numéro 27, été 2023Et votre pire souvenir ?

Je peux en trouver pleins aussi malheureusement ! Mais je me souviens d’un moment terrible chez Jacky GUINDON au Nid de La Caillère près de Blois. J’étais avec un vigneron, Henry MARIONNET, et tout ce que nous avons mangé était soit trop cuit, soit trop salé, soit trop sucré… Quand le Chef est venu nous voir et nous a demandé comment le repas s’était passé, nous lui avons répondu que les tuiles étaient bonnes… Cela a jeté un froid mais c’est resté comme un bon mot entre nous !

Pour terminer, et pour paraphraser votre plus célèbre ouvrage, à quoi sert vraiment un critique gastronomique ?

J’ai dédié ce livre à mon maître, Christian MILLAU. Quand je lui ai communiqué le titre de ce futur ouvrage, il m’a répondu “à rien, rends un livre blanc, et empoche l’avance !!!” Malgré tout, j’ai écrit 200 pages sur le sujet qui peuvent être lues dans les écoles et par les étudiants. Alors, à quoi ça sert ? Ça sert à transmettre des émotions, à raconter des histoires et à poser des hiérarchies, que ce soient des étoiles, des toques ou des notes, comme on parle de mètres pour mesurer les distances, ou d’euros pour compter la monnaie aujourd’hui. Je suis le baromètre, tout simplement ! J’explique, je donne envie, je raconte, finalement, je me mets à la place du convive d’après…

Texte Thierry PERRIER – Photos Fiona GAUTIER

Chefs d'Oc, magazine épicurien, numéro 27, été 2023Chefs d'Oc, magazine épicurien, numéro 27, été 2023