Les vendanges

0
787

DE NOUVELLES TECHNIQUES DE VENDANGE

Pour un vin de plus grande qualité

Dans un monde en constante évolution, la viticulture doit faire face à de nouveaux défis : changements climatiques, impact sur l’environnement, concurrence internationale et évolution des goûts des consommateurs sont les préoccupations premières du viticulteur. Pour y faire face, la filière se modernise et innove avec des techniques toujours plus élaborées. Quelles sont-elles et quels impacts sur la qualité des vins du Languedoc ?
A Montpellier, la recherche et la formation agronomiques sont intimement liées à la culture de la vigne et à l’élaboration du vin. Scientifiques, chercheurs et enseignants ont depuis toujours, été aux côtés des vignerons pour répondre aux questions liées à cette production, au gré de ses crises ou opportunités de développement. Lutte contre les maladies, mécanisation, amélioration des rendements, qualité, vignes durables…autant de problématiques sur lesquelles Agropolis International réunissant l’Inra, Montpellier SupAgro, l’Université de Montpellier et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) se sont penchés, mobilisant plus de 130 scientifiques sur ces enjeux. Ils en tirent de nombreuses techniques aujourd’hui répandues dans la profession, permettant d’améliorer toujours plus la qualité du vin, pour le plus grand plaisir de nos palais.
 

 

LES VENDANGES NOCTURNES

Aussi appelées vendanges de la lune ou vendanges de nuit, elles sont pratiquées au moment le plus froid de la nuit afin d’obtenir un raisin le plus frais possible. Cette technique permet notamment de diminuer le stress de la vigne et d’obtenir ainsi un meilleur raisin. « Nous vendangeons entre 4 et 6h du matin, explique Marion Petijean du Domaine de Nizas. De plus, comme nos parcelles sont à 25min de la cave, nous plongeons les grappes dans de l’azote le temps du trajet pour protéger les vendanges des chaleurs afin qu’elles restent saines ». Une pratique perpétrée sur le Domaine depuis sa création en 1998. « En plus, on s’éclate la nuit à regarder la petite ourse et la grande ourse !, ajoute-t-elle ». Pionnière dans ce domaine dans les années 1970, la famille Jonqueres d’Oriola qui produit du vin au Château de Corneilla depuis 1485, associe les savoir-faire ancestraux et la technologie moderne. Ainsi, les 85 hectares du domaine sont tous récoltés de nuit.
 

 

LES BIENFAITS DES VENDANGES NOCTURNES

L’ennemi du raisin mûr est la chaleur. À peine cueilli, le raisin dégage déjà du jus qui fermente sous l’action de la chaleur, et ce, avant même d’atteindre les cuves des vignerons. Les vendanges nocturnes permettent donc de préserver le raisin, et de renforcer le côté fruité des vins produits. Le jus de raisin, moins oxydé donnera une couleur plus claire au vin pour un rendu plus fin et plus proche des attentes du consommateur. Cette technique ne concerne que les vinifications en blanc et rosé mais avec les grosses chaleurs de cet été, certains vignerons vendanges également les vinifications rouges la nuit pour éviter que la chaleur n’excède les 25°C.
 

 

ILS PRATIQUENT LES VENDANGES NOCTURNES

Laurent Miquel à Cessenon sur Orb (34)
Le Domaine de Nizas à Pézenas (34)
Le Château de Corneilla à Corneilla del Vercol (66)
 

 

LES VENDANGES EN VERT

Les vendanges en vert, aussi appelées éclaircissage, sont pratiquées par le vigneron pour réguler le rendement de la vigne, mais cette technique est l’une des plus contestées. Vers la mi-juillet, le vigneron intervient sur chaque cep pour en réduire la quantité de raisin. Il coupe et supprime les grappes jugées excédentaires afin de favoriser une meilleure maturation et concentration des raisins restants. Le rendement ainsi diminué offre un vin plus concentré. La date d’intervention doit être précise. Si elle a lieu trop tôt, la vigne à tendance à compenser, les grappes restantes grossissent davantage, réduisant l’effet de concentration voulue par le vigneron.
 

 

LES BIENFAITS DES VENDANGES EN VERT

Pourtant très répandue chez les professionnels, certains vignerons comme Jean Gautreau, patron du Châteu Sciando-Mallet (Haut-Médoc), estime qu’elle n’apporte rien et relève de l’effet de mode. D’autres détracteurs estiment qu’une bonne conduite de la vigne en amont doit permettre à la vigne de se réguler elle-même. Le recours des vendanges en vert serait donc la conséquence d’une mauvaise gestion de la vigne. En dégustation, il est impossible pour un amateur de déceler la technique de vendange en vert. Cependant, en réduisant les rendements, une vendange en vert réfléchie et prudente peut favoriser une meilleure maturité des raisins, apportant une pureté de fruit et une expression de matière plus noble. Les vins ont moins de chance de présenter des goûts végétaux ou herbacés, des tanins peu mûrs ou secs. Des rendements trop élevés engendrent en effet des vins dilués qui manquent de maturité, d’arômes et de structure.
 

 

ILS PRATIQUENT LES VENDANGES EN VERT

Château Puech-Haut (Coteaux du Languedoc Pic Saint-Loup) (34)
Domaine d’Aigues Belles (30)
Les vignobles Foncalieu, Maraussan (34)
Alternative aux vendanges en vert, la technique des tris commence à se répandre dans les vignobles. Elle consiste à ne laisser que 7 à 8 grappes de raisins par pied de vigne.
Les virtuoses du sécateur repèrent les grappes « à risque », brûlées par le soleil et sélectionne les raisins encore jeunes. Ces jeunes raisins seront destinés à la production d’un rosé promettant déjà légèreté et fraîcheur tandis que les grappes laissées sur le pied gagneront en maturité pour donner un rouge plus structuré.
Cela permet au vigneron de produire une gamme supplémentaire de vin. Le vin rosé obtenu avec le raisin issu des premières vendanges sera plus léger, moins chargé en arômes et aura plus de fraîcheur au niveau aromatique.
 

 

LA THERMO-DÉTENTE

Au cours de la première phase de l’élaboration du vin, l’extraction des polyphénols est une étape primordiale, car elle conditionne la qualité finale du vin. L’une des techniques les plus classiques pour cette étape est la thermo-vinification. Mais depuis quelques années apparaît une variante, la thermo-détente aussi appelée Flash détente. La chauffe des vendanges permet de faciliter l’extractibilité des polyphénols et d’éliminer des activités enzymatiques. Cependant, la thermo-vinification classique ne produit pas de vin à forte structure tannique et les vins obtenus sont dans la majorité des cas, souples et fruités. Les vignerons réservent donc cette technique aux raisins standards, les matières premières qualitatives étant vinifiées selon des techniques plus traditionnelles. Depuis une dizaine d’années, la Flash-Détente permet de mettre sous vide la vendange chaude, complément de la thermo-vinification. Elle consiste d’abord à comprimer la vendange chaude (pressurisation) puis à la dépressuriser rapidement (détente).
 

 

LES BIENFAITS DE LA THERMO-DÉTENTE

La combinaison de la thermo-vinification associée à la thermo-détente permet l’élaboration d’un vin plus aromatique, plus fruité et complexe, aussi bien au nez qu’en bouche. Elle apporte également une forte amélioration de l’équilibre d’un vin par une augmentation significative de la sucrosité et du gras. Les vins obtenus sont plus structurés, plus ronds et plus équilibrés. « L’introduction de la thermo-détente produit des effets pouvant se révéler très positifs pour la qualité des vins, qui se démarquent alors nettement des produits classiques de thermo-vinification. Tout en conservant l’ensemble des avantages technologiques de la thermovinification, il devient possible d’obtenir des vins ronds, typés, mieux structurés et équilibrés », témoigne la cave coopérative de Corneilhan.
 

 

ILS PRATIQUENT LA THERMO-DÉTENTE

La cave coopérative de Corneilhan (34)
La cave coopérative de Saint Pons la Calm (30)
La cave coopérative d’Olonzac (30)
 

 

LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Comme tous secteurs d’activités, la filière vitivinicole fait sa révolution numérique. Elle permet de bénéficier d’informations à très haute définition et donc d’améliorer le suivi et la maîtrise de leurs systèmes de production. Les observations sont nettement améliorées grâce à l’utilisation de capteurs, stations de mesure interconnectées, systèmes de mesures embarqués sur machine ou piéton ou encore plateformes de télédétection (drones, avions, satellites). Les chercheurs qui se penchent ensuite sur ces données en tireront de nouveaux usages et pratiques innovantes à mettre en place.
 

 

LA RECHERCHE CONTINUE

Toujours perfectible, le vin du Languedoc-Roussillon continue d’animer les laboratoires et de creuser les méninges des chercheurs. A la recherche de méthode facilitant le travail du vigneron tout en garantissant qualité et protection de l’environnement, ils innovent et expérimentent toujours plus. Pour exemple, l’UMT Qualinnov, programme financé par le Comité Interprofessionnel des Vins du Languedoc et le Conseil Régional, cherche à améliorer la conservation des vins blancs et rosés et le phénomène d’oxydation, depuis la conduite de la vigne jusqu’aux conditions de conservation et de conditionnement du Languedoc-Roussillon, alors que le marché des vins est tourné dans notre région, à 40% vers l’export. Ainsi, en Languedoc-Roussillon, dans le plus grand vignoble du monde et le premier producteur de vin en France, il se vend 61 bouteilles de vin par seconde !
Bon à savoir : Certains AOC et IGP interdisent la pratique de la thermo-vinification et de la thermodétente pour l’obtention du label, à l’image de l’AOC Pic Saint-Loup.
CORALIE PIERRE