Escapade à Lodève avec Cyril ATTRAZIC et Eric CELLIER

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Il est à peine 7 heures et le marché de Lodève s’éveille dans la fraîcheur d’une matinée de février, prêt à accueillir deux protagonistes de la gastronomie française : Cyril Attrazic et Éric Cellier, deux chefs qui partagent la même passion pour le terroir et ses trésors. Cette rencontre, loin d’être fortuite, est le fruit d’une volonté commune : explorer, valoriser et célébrer les producteurs locaux, véritables artisans du goût qui façonnent le paysage culinaire de cette région.

C’est par un heureux hasard, lors d’un dîner chez un ami vigneron, que Cyril découvre le
marché de Lodève et ses trésors. “Ici, chaque produit a une histoire, un visage. C’est cette
connexion directe avec les producteurs qui donne du sens à notre travail en cuisine”, confie t-il. Pour lui, le marché de Lodève est plus qu’un simple lieu d’approvisionnement, c’est une source d’inspiration, un espace où la passion pour l’excellence se partage et se transmet. “Je viens ici depuis presque dix ans. Chaque samedi, je me lève à 5 heures pour être là un peu avant 7 heures. L’Aubrac est essentiellement une zone d’élevage, peu propice au maraîchage en raison de son altitude élevée et de son climat parfois inhospitalier pour les cultures légumières.

Ici, je trouve des produits de qualité toujours très régulière à la fois pour mon restaurant étoilé, pour ma brasserie et pour le bistrot”. Et, bien qu’il ait tenté d’autres marchés dans la région, la concurrence entre chefs et la nécessité d’arriver toujours plus tôt pour sécuriser les meilleurs produits l’ont poussé à chercher ailleurs. “Avant j’allais à Rodez, qui est très
bien, la culture du marché y est exceptionnelle. Mais beaucoup de restaurateurs vont là bas. Ici, on est cinq ou six, pas plus. L’expédition se fait toujours accompagnée d’un membre de son équipe, offrant un moment d’échange précieux. À son arrivée, la première étape est le stand de la famille Claeys de l’exploitation Coccirainette où une commande préalablement envoyée l’attend, complétée par les trouvailles du jour qui peuvent inspirer le chef”.

Admiratif, il s’attarde sur la diversité des légumes proposés. “Ce qui m’impressionne chez eux, c’est leur capacité à produire avec régularité. Des maraîchers comme eux, je ne veux pas dire qu’il n’y en a pas, mais ce n’est pas courant”. Le périple se poursuit chez Vincent, le poissonnier, dont les étals regorgent de trésors de la Méditerranée. Cyril, fidèle à sa philosophie, privilégie le poisson local : “Travailler avec Vincent, c’est s’assurer d’une fraîcheur et d’une qualité irréprochables. Il se fournit à la criée de Sète. Je ne travaille que les poissons de la Méditerranée. Je trouve qu’ils ont plus de caractère”.


Un peu plus loin, nous rencontrons Jeff et ses pommes du Moulin de Levreau. L’authenticité de ses produits et son jus de pomme, véritable nectar, ont tout de suite attiré l’attention de Cyril. “Il est à Aniane, il fait des pommes d’hiver.

Tout le reste de l’année, il fait les abricots, les pêches, des raisins… Quand tu fais l’effort de te déplacer vers les producteurs, ton rapport avec le produit n’est plus le même. Et puis je sais à qui j’achète et ce que j’achète, je suis droit dans mes bottes !”

C’est déjà le moment pour un premier café, l’occasion d’en savoir plus sur ce qui anime le Lozérien. “C’est au départ le souci de la performance qui m’a poussé sur ce chemin.
Une envie de progresser. Il n’y a pas de cuisine sans produit, on ne trompe pas les clients et l’on ne peut pas se mentir à soi. C’est vertueux”. Sa démarche ne s’arrête pas là.

“J’ai investi dans deux déshydrateurs. Un pour la brasserie, un pour le restaurant. On composte tout, on retraite tous les déchets organiques. Cela représente 30 kilos de compost par semaine. J’en utilise une partie pour mon jardin de fleurs et je livre le reste à Coccirainette. Ils n’achètent quasiment plus d’engrais grâce à cela”, se réjouit le chef.

Le voyage ne serait complet sans un détour par la pépinière de Sophie Gros, une oasis de biodiversité où la passion pour le végétal se vit au quotidien. Formatrice en pédagogie dérive, pépiniériste passionnée, Sophie accompagne tout public dans les pratiques du jardinage en bio, permaculture et agroforesterie. “Je l’ai connue sur le marché, elle a arrêté depuis quelques années, mais c’est une personne passionnée et passionnante. C’est elle qui nous fait nos semis pour le jardin”, explique Cyril. “J’ai toujours aimé les plantes, comme j’ai toujours eu besoin d’être au contact de l’extérieur. J’ai navigué à droite à gauche, dans la plante à parfum à Grasse. Dans la production de fleurs pour la fleuristerie. Mais j’avais beaucoup de difficultés à gérer le stress qu’occasionnaient les traitements. Je
suis partie vers l’agriculture biologique, j’ai travaillé un peu chez des maraîchers, j’ai fait
des formations et la pépinière est née en 2017” raconte-t-elle.

Avec les années, elle construit une gamme d’aromatiques et trouve des espèces qui ont
un intérêt gustatif en cuisine. Sur 1 000 m², on trouve de tout. Des plus classiques comme la ciboulette, les différents basilics ou encore le persil en passant par des plantes aromatiques moins courantes comme la coriandre mexicaine ou vietnamienne, le shiso, la plante à goût d’huître ou encore le céleri perpétuel… Des plantes à tisanes telles que le thé d’Aubrac, la verveine citronnée ou d’Argentine, ou encore la menthe bergamote et le Jiaogulan…



Des fleurs comestibles : capucine, calendula, tagète, œillet, cosmos, bourrache, bleuet,
fuchsia et bien d’autres fleurs pour éclairer vos assiettes. Si elle ouvre ses portes aux particuliers, elle accompagne notamment le jardinier du restaurant étoilé Äponem. “Ce
sont des jardins qui sont déjà en place depuis longtemps. Mais l’environnement est très pollué par les pratiques. Tout est dépourvu de toute vie. J’ai lancé un protocole pour restructurer les sols, pour ramener la vie. C’est passionnant”.

Notre escapade s’achève déjà. Mais ces quelques heures passées en compagnie des
deux chefs à la rencontre de ces producteurs nous ont rappelé quelque chose d’essentiel : la cuisine est un art vivant, nourri par les hommes et les femmes qui, chaque jour, travaillent les produits de la terre et de la mer avec dévouement.