Questionnaire épicurien de Michaël DELAFOSSE maire de Montpellier, Président de Montpellier Méditerranée Métropole

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Chefs d'Oc, magazine épicurien, numéro 26, printemps 2023

Quelle est votre vision de la gastronomie à Montpellier ?
La gastronomie, c’est d’abord la France ! Partout dans le monde, la France est connue pour cet art de vivre, son amour des saveurs. L’assiette c’est l’éloge de la subtilité. 
Montpellier doit contribuer à ce rayonnement. Nous devons beaucoup aux célèbres Frères Pourcel, mais aussi à de très nombreux chefs et cheffes qui font le pari de l’excellence. Il existe une très belle dynamique qui place Montpellier dans les étoiles. 5 restaurants sont étoilés, d’autres le mériteraient.
Et comment ne pas parler du vin avec un patrimoine viticole qui représente une destination de choix pour les amateurs d’œnotourisme du monde entier.

Quels sont les principaux atouts culinaires de la ville ?
À Montpellier, l’identité culinaire est à l’image de la ville, elle est une rencontre permanente. Je suis touché de voir comment les chefs sont en permanence créatifs et à la recherche de nouvelles influences. Je mesure leur engagement pour être au rendez-vous des défis écologiques, en s’inscrivant le plus possible dans des circuits courts, en réinventant les produits de la mer, en se fournissant au plus près des producteurs. Montpellier est nichée entre terres et mer, ce qui lui permet de proposer à la fois des produits tels que les épices, les herbes aromatiques, la viande d’Aveyron ou d’Aubrac et des poissons et crustacés. Au XVIe siècle, Guillaume Rondelet a d’ailleurs été le premier à faire un inventaire des poissons de la Méditerranée.

Comment la cuisine et le vin reflètent-ils la culture et l’histoire de Montpellier ?
Montpellier est un haut lieu du savoir et du vin. L’histoire du vignoble du Languedoc remonte au Ve siècle avant notre ère et la plantation de ceps par les Grecs. Au XVIe siècle, François Rabelais, lorsqu’il a terminé ses études de médecine à Montpellier, a vanté les vins locaux dans son ouvrage Pantagruel. Les vins de la région étaient recherchés dans toute l’Europe et ont été valorisés par Louis XIV et Louis XV qui ont permis aux crus de Saint-Georges d’Orques et de Saint-Drézéry d’apposer un sceau royal sur leurs barriques. Thomas Jefferson, qui fut ambassadeur des États-Unis en France, a fait servir le vin de Saint-Georges d’Orques à la Maison-Blanche lorsqu’il fut élu Président des États-Unis. Nos vignobles sont au rendez-vous de la qualité, ils ne cessent de progresser et d’accroître leur qualité. Ils se retrouvent sur les grandes tables du monde, chez les cavistes de villes où le vin se développe comme à New York, Heidelberg, Chengdu. Je suis déterminé à faire du vin une ambition capitale, car elle traduit notre art de vivre.

Au XXIe siècle, les amateurs et les connaisseurs vont parler du vin de Montpellier. Je ne doute pas qu’il sera présent sur de nombreuses cartes. Comme Maire, je porterai avec mon équipe cette ambition.

Comment la gastronomie assure-t-elle à la promotion de la culture et de l’identité de Montpellier ? Fait-elle partie des enjeux touristiques ?
Notre culture culinaire se diffuse à la fois par le partage et la formation. J’ai déjà évoqué le rayonnement international de nos chefs étoilés, mais je veux aussi parler de l’excellence de la formation initiale et continue avec le Lycée Georges Frêche à Montpellier, excellence reconnue dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration ainsi que dans le domaine de la sommellerie, avec une portée nationale. Pour le partage, l’offre est importante avec des halles gourmandes, marchés et circuits courts qui sont nombreux sur notre territoire. Les Halles Laissac face à la Tour de la Babote, les Halles Castellane au cœur de l’Écusson, les Halles Jacques Cœur à Antigone ou encore les Halles des 4 saisons à la Mosson animent notre ville. A ces espaces plutôt traditionnels s’ajoutent les Halles Plaza dans le quartier des Grisettes ou encore les Halles du Lez à Port Marianne devenues le nouveau temple de la foodsphere avec une offre culinaire unique dans le Sud de la France. Plus récemment, les Halles du 610 à Jacou sont venues enrichir l’offre du territoire. Pas moins d’une cinquantaine de marchés de plein air se tiennent aussi chaque semaine à Montpellier et sur la Métropole.

Quels sont les principaux défis auxquels est confrontée la gastronomie à Montpellier aujourd’hui et dans l’avenir ?
En positionnant Montpellier comme candidate pour être Capitale Européenne de la Culture, nous avions aussi à cœur de diffuser et faire rayonner le patrimoine gastronomique et la culture culinaire de notre territoire. Cela en fait partie. Faire savoir et faire connaitre sera toujours un enjeu, dans une compétition nationale et internationale où Montpellier prend toute sa place. À Montpellier, l’Hôtel Richer de Belleval, Place de la Canourgue, est le lieu des Frères Pourcel s’inscrivant dans un cadre patrimonial du XVIIe avec des œuvres d’art de Jan Fabre, Jim Dine, ou Marlène Moquet… c’est un lieu qui traduit l’ambition et l’excellence de Montpellier. Nous allons offrir des opportunités d’installation aux chefs qui souhaitent s’établir à Montpellier et sur le territoire de la métropole. Je crois que nous devons favoriser une émulation. Je suis frappé de voir l’esprit de confraternité qui existe dans la profession, d’autres devraient s’en inspirer. Avec la Région et les chambres consulaires, nous travaillons également sur les problématiques liées aux recrutements et à la formation, dont on sait l’importance dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie. Cela s’est traduit par exemple par le salon TAF de Montpellier les 15 et 16 mars derniers organisé en lien avec Pôle emploi et la mission locale.

Comment la ville travaille-t-elle avec les acteurs locaux ? Comment soutenez-vous l’économie locale ?
Nous travaillons avant tout sur la qualité des produits du terroir et sur la valorisation des circuits courts via une politique agroécologique et alimentaire saine et vertueuse qui s’articule autour de cinq grands objectifs :

– Offrir une alimentaire saine et locale au plus grand nombre en s’approvisionnant localement et en soutenant les filières de produits locaux, de qualité et les circuits courts,

– Soutenir l’économie et l’emploi agricole et alimentaire, produire durablement en façonnant une ferme métropolitaine qui préserve les ressources naturelles et renforce la souveraineté alimentaire, – Préserver le patrimoine paysager et les ressources naturelles,

– Contribuer à la cohésion sociale à la fois au sein de la ville et entre l’urbain et le rural en permettant à tous les habitants d’accéder à une alimentation de qualité et choisie,

– Limiter les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux évolutions climatiques et aux aléas sanitaires.

Côté vins, j’ai choisi de structurer cette filière d’excellence de notre territoire et de réunir tous les acteurs de cette dernière. C’est pourquoi, dès 2021, nous avons créé le Conseil des Vins et le Pôle Vins de Montpellier Méditerranée Métropole avec un objectif : faire de Montpellier, une destination de vignobles, une capitale du vin.

Comment la ville encourage-t-elle l’émergence de nouveaux talents culinaires, tels que des jeunes chefs ou des entrepreneurs de la restauration ?
En donnant une vitrine et une visibilité à ces ambassadeurs du territoire lors d’événements comme le Salon International de l’Agriculture, avec l’organisation de rencontres grand public telles que «O’Millésimes», des rencontres autour du vin et des produits du territoire pour découvrir la gastronomie locale. L’année dernière, pour le lancement de l’événement, 6 000 personnes ont répondu présentes, un succès. Via l’œnotourisme ensuite. L’obtention du label Vignobles et Découverte en 2022 nous a offert une nouvelle opportunité pour faire rayonner notre territoire. Grâce à ce label, nous avons pu créer la Destination vignobles de Montpellier, une destination qui compte aujourd’hui 69 labellisés parmi lesquels 21 restaurateurs et 16 caveaux. D’ailleurs, la Destination Vignobles de Montpellier a participé en octobre 2022, pour la première fois, au Salon Destination Vignobles accompagnée par l’Office de Tourisme de Montpellier Méditerranée Métropole et trois agences réceptives labellisées Vignobles & Découvertes (Montpellier Wine Tours, Wisud et Perma Social Club). Organisé tous les 2 ans par Atout France, ce salon met en relation des tours opérateurs internationaux souhaitant acheter des séjours oenotouristiques avec des professionnels français de l’eonotourisme. Après un premier bilan de l’opération, les tours opérateurs ont montré un fort intérêt pour la destination considérée comme “confidentielle” car peu connue en tant que destination œnotouristique. Ils ont souligné son grand potentiel, notamment grâce à la diversité de ses paysages, de son patrimoine et de ses vins.

Qu’en est-il des jeunes ? Notamment à travers l’éducation alimentaire dans les écoles ?
La France est le pays de la gastronomie, les enfants doivent absolument bien manger, être initié au goût. C’est un enjeu ! Moment de partage et de découverte des saveurs, d’apprentissage, le repas du midi est un temps particulièrement important pour les enfants. C’est pourquoi la Ville de Montpellier défend des valeurs fortes pour la restauration scolaire avec pour objectif, d’offrir des repas de qualité dans les 86 cantines des écoles montpelliéraines à un coût très abordable. Chaque repas pris à la cantine est une chance pour l’enfant car la cantine contribue à favoriser ses apprentissages, et à atténuer des inégalités possibles en dehors de l’école. La Ville de Montpellier et Montpellier Méditerranée Métropole mettent un point d’honneur à adopter une politique agroalimentaire du champ à l’assiette vertueuse. Ainsi, une nouvelle ambition en matière de politique alimentaire est mise en œuvre par notre municipalité : intégration de produits issus des circuits de proximité et de l’agriculture biologique dans les menus, éveil des enfants à l’alimentation, formation des personnels en charge de la distribution des repas à l’aliment, à l’équilibre nutritionnel et à l’accompagnement du temps du repas, lutte contre le gaspillage alimentaire, optimisation de la gestion de la production. A ce jour, nous servons 50% de produits locaux dont 38% de produits bio. Notre ambition étant d’atteindre les 100% de produits bio et/ou locaux en 2026.

Enfin, quelles sont les initiatives futures envisagées par la ville pour promouvoir la gastronomie locale, à l’échelle nationale et internationale ?
Il y a encore quelques jours, la Métropole de Montpellier était présente pour la première fois de son histoire au Salon International de l’Agriculture (le SIA étant le second plus grand salon au monde avec près de 700 000 visiteurs chaque année). Pendant ces 9 jours, nous avons présenté la destination Vignobles de Montpellier et mis à l’honneur la gastronomie et le vin de notre territoire. Deux chefs étoilés – Jacques Pourcel pour Le Jardin des Sens et Laurent Cherchi pour Reflet d’Obione – sont venus présenter leurs plats accompagnés de vignerons. Trois vignerons étaient également présents à cette occasion : le Château de l’Engarran qui travaille avec le restaurant Le Jardin des Sens, le Domaine Le Clos d’Elle qui travaille avec le restaurant Reflet d’Obione et les Compagnons de Maguelone qui sont venus quant à eux présenter, pour la première fois, les vins issus du Domaine du Grand Puy, une Folie montpelliéraine du XVIIe siècle.

Quel est le plat ou le vin que vous aimeriez faire découvrir aux visiteurs de Montpellier ?
De plus en plus d’établissements proposent à la carte, des vins du Languedoc. Mais je souhaiterais, à terme, que tous proposent des Grés de Montpellier. C’est un vin représentatif des terroirs de la Métropole.

Vous-même, cuisinez-vous ? Si oui qu’elle est votre spécialité ?
Je vais être très franc, je suis meilleur dégustateur qui cuisinier, faute de temps. Le seul plat que je cuisine et pour lequel je reçois des compliments est la tortilla.

Votre madeleine de Proust ?
Le gratin de courgettes préparé par mon grand-père quand j’étais enfant.

Pouvez-vous nous raconter une expérience culinaire ou œnologique particulièrement mémorable que vous avez vécue à Montpellier ou dans la région environnante ?
Je dois à Jacques Mazerand, formidable et généreux chef, une soirée dégustation à Flaugergues en 2017. Tout y était, la passion des produits, l’art de vivre et la convivialité. C’est de là que sont venues beaucoup de mes convictions pour mobiliser les forces de la métropole de Montpelllier autour des enjeux du vin, de la gastronomie, de la structuration des filières. Dans la vie tout est histoire de rencontres, et elles sont réussies autour d’un bon verre de vin.

Texte Marie Gineste / Photos Guilhem Canal