On a cuisiné … JULIEN DELJARRY & FRÉDÉRIC HUSSER

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Deljarry-Husser

Pour ce numéro d’automne, le chef Frédéric Husser a reçu dans sa cuisine Julien Deljarry, le président du MHB, le club de handball le plus titré de France. Ensemble, ils ont réalisé une recette aux couleurs de l’automne.


Qu’est-ce que vous nous préparez ?
On va faire une petite salade de légumes d’automne avec un velouté de champignon assorti d’un concentré de pesto de mâche, cresson et roquette.

Il y a des légumes et des fruits… C’est très coloré !
Oui. On va utiliser des échalotes, du potiron, de la courge butternut, des fèves, des petites feuilles de persil plat, du chou chinois, des endives, des pommes, de la poire et de la clémentine. Julien, je te laisse mélanger tout ça et assaisonner avec un peu d’huile d’olive.

Julien, pendant que vous préparez cela, on a envie de faire un peu plus connaissance avec vous. Je crois savoir que vous êtes particulièrement attaché au MHB…
Je suis un « pur produit montpelliérain ». J’ai toujours été un fervent défenseur du club. En tant que supporteur, déjà, mais aussi en tant que joueur. De 2003 à 2010, j’ai dû louper cinq ou six matchs à domicile. Je faisais même les voyages en coupe d’Europe avec les joueurs ! Mon père, qui était partenaire du club, a joué un rôle assez important après l’affaire des paris sportifs. Il l’a fait parce qu’il savait que j’étais passionné. Il a réussi à rallier dix-sept chefs d’entreprises, qui sont tous actionnaires aujourd’hui. J’ai arrêté de jouer à cause d’une blessure mais j’ai continué à m’investir en tant que bénévole et même en tant qu’entraîneur. Et puis j’aidais de temps en temps, quand on avait besoin de moi.

En parallèle vous faites vos études…
Oui. Après un IUT, j’ai intégré Montpellier Business School. Puis je me suis dirigé vers la grande distribution. Je suis parti sur Paris pour diriger un Super U, mais j’ai continué à maintenir le lien avec le club et puis finalement, j’ai eu envie de rentrer. Au même moment, l’ancien président annonçait son souhait d’arrêter. Je suis rentré puis je me suis présenté. En parallèle, je suis aussi directeur d’un supermarché bio à Nîmes.

Vous avez réussi à convaincre tout le monde, à seulement vingt-sept ans… la présidence faisait-elle partie de vos projets ?
C’est arrivé peut-être plus tôt que prévu, mais j’ai toujours eu cette volonté. Je suis probablement le plus jeune président de club tous sports confondus. Mais je ne crois pas que cela soit un problème. Ce qui compte, c’est la prise de responsabilités. Vous savez, à vingt-quatre ans, je dirigeais un supermarché avec un chiffre d’affaires de 25/26 millions d’euros. Je gérais entre 80 et 100 personnes. Le travail ne me fait pas peur. Tant qu’on prend du plaisir à le faire, on peut tout accomplir. Alors c’est vrai, entre mes deux casquettes, je travaille six voire sept jours sur sept. Mais je suis passionné par ce que je fais, alors cela ne me pose pas de problème.

Et vous Frédéric, êtes-vous un fervent défenseur du club ?
Oui quand même ! On n’aime pas lorsqu’ils perdent ! On fait un service plus facile quand ils gagnent ! (Rires)

Votre père mais aussi votre frère Nicolas sont connus pour leur épicurisme. Qu’en est-il de vous ?
Je vous confirme, c’est de famille (Rires). Quand je pars en vacances, il faut qu’il y ait un restaurant étoilé pas loin. Pour mon anniversaire, c’est la même chose. Au travers de mes différentes activités, j’ai aussi la chance de faire de très bonnes tables. Je suis peut-être moins fervent que mon père ou que mon frère en ce qui concerne le vin ou les spiritueux, mais je suis véritablement un passionné de cuisine. D’ici quelques semaines, je fêterai mes trente ans. Ce sera chez Georges Blanc !

Y êtes-vous déjà allé ?
Oui et c’est l’un de mes préférés… avec Arnaud Donckele. C’est devenu comme une tradition familiale. Depuis quelques années, nous allons passer plusieurs jours à Saint-Tropez pour partager du temps en famille et nous allons manger chez lui. Qu’est-ce que vous aimez dans leur cuisine ?
C’est généreux, gourmand ! J’aime la cuisine traditionnelle. Ils prennent un produit et ajoutent autour des touches tellement travaillées que c’est exceptionnel !

Depuis longtemps, on observe qu’il existe des liens spéciaux entre les chefs et le sport. Beaucoup de joueurs professionnels se reconvertissent dans la restauration d’ailleurs, pourquoi selon vous ?
Je pense que ce qui fait le lien, c’est le plaisir. Au cours de leur carrière, les joueurs n’ont pas forcément beaucoup de moments de plaisir de ce genre. Surtout dans un club comme le nôtre, on joue tous les trois jours soit en championnat, soit en ligue des champions. Donc finalement, les moments où ils peuvent prendre du plaisir restent assez restreints. Finalement, quand ils jouent un match, les joueurs se font plaisir sur le terrain, ils vont procurer du plaisir au public, et ils vont partager avec le public. Et c’est ça finalement, que l’on va retrouver dans la cuisine.

Vous avez été joueur puis entraîneur, pensez-vous que l’émotion, l’adrénaline, le stress que l’on ressent sur le terrain ou en cuisine sont similaires ?
C’est certain. Un bon cuisinier, c’est un artiste. C’est quelqu’un qui va produire un plat, pour donner des émotions. Pour le sportif, c’est pareil. Il va produire une performance et créer des émotions. Pour que les gens prennent du plaisir. Finalement, un chef, c’est le sportif de la gastronomie.

Quel est votre lien avec Frédéric Husser ?
On se connaît depuis longtemps. C’est toujours un plaisir de se croiser, d’échanger. Il s’occupe du réceptif d’après match depuis plus de dix ans. J’accorde une importance particulière à notre relation. Quand le club était en difficulté économique, il a été présent et a maintenu son engagement. Il nous a même aidés. Ce sont des gestes que l’on n’oublie pas. Je n’étais pas encore « aux affaires », mais j’ai vu les choses de loin. Tant que Fred sera là et voudra être avec nous, eh bien nous continuerons ensemble. Je suis très heureux qu’il m’ait proposé cet entretien dans sa cuisine.

Julien, quelles sont vos ambitions pour le club ?
D’un point de vue sportif, nous avons la volonté de créer un groupe qui soit performant sur les années à venir. Nous sommes en ligue des champions. Notre objectif est de gagner à nouveau des titres. À côté de cela, nous sortons notre charte RSE. Elle sera présentée au milieu du mois d’octobre, avec tout un volet économique, mais aussi sociétal et environnemental. Nous voulons vraiment être un club « responsable ». Sur les réseaux sociaux, nous sommes suivis par environ 150 000 voire 200 000 personnes. À chaque match, on est proche des 6 000 personnes. Alors oui c’est important, nous devons être source d’exemple. D’un point de vue économique, nous voulons nous développer. Le sujet structurel enfin, peut-être, le plus important de ces trois dernières années, sera le nouveau stade qui nous permettra de continuer à jouer la ligue des champions. Et aussi de développer nos ressources, sans forcément toujours être dépendants de la métropole ou des ressources publiques. Si demain nous disposons d’un stade plus grand, nous pourrons accueillir plus de monde, et donc faire plus de recettes. Et cela nous permettra de continuer de développer le club et de le pérenniser au plus haut niveau.


Texte Marie Gineste / Photos ©Guilhem Canal