Décorateur

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Christian Collot.
La décoration, c’est d’abord une histoire de sentiments. C’est un peu comme la mode, on fait la base avec les couleurs et les matières puis on y ajoute les accessoires, en laissant de la place aux coups de cœur. À la différence de l’architecte d’intérieur, le décorateur ne touche jamais à la structure du bâtiment. Il optimise l’espace et les volumes, joue sur la combinaison de différents éléments tels que les matériaux, ou encore le mobilier. Il associe les styles, les couleurs et les matières de manière harmonieuse. Il fait d’un intérieur un lieu unique. Pour un restaurant, la décoration et l’agencement sont deux composantes essentielles. Un aménagement bien pensé constitue un élément déterminant pour le succès d’un établissement. 
Avec la multiplication des émissions de télévisions et des revues spécialisées, le métier de décorateur connaît depuis quelques années un véritable engouement. Mais quels sont les paramètres à prendre en compte et sur quels leviers peut-on agir ? Quelques éléments de réponse avec Christian Collot, décorateur.

Christian Collot fait partie de la courte liste de ceux qui bousculent l’aménagement d’intérieur de ces 5 dernières années dans notre région. Premier fait marquant, il gère l’aménagement de la mythique plage privée des frères Pourcel, le Carré Mer. Un style s’installe. Et s’il n’en est qu’au balbutiement de sa carrière, c’est dans les lieux de la restauration qu’on peut contempler cette fameuse touche Collot à l’image du Terminal#1.
Autodidacte et pétillant, il ne se soucie guère de faire comme les autres ou dans l’air du temps. Il expérimente, diversifie ses codes, ose et mélange. Son parti pris est revigorant, nouveau,  voire spectaculaire. Membre enthousiaste du collectif Murmurs, Christian Collot s’est prêté au jeu de l’interview pour nous parler de son métier.
C.O : Comment en êtes-vous venu à la décoration? Pouvez-vous nous retracer votre parcours pour commencer ?
C.C : Je suis franco-polynésien. Une double culture que l’on retrouve dans mon travail. Au départ, je viens des métiers du commerce et de la vente, essentiellement dans la mode. C’est pour moi une véritable passion. C’est d’ailleurs comme j’ai l’habitude de le dire, tout un travail de «psychologue ». La mode m’a aidé à me sentir bien et à m’épanouir. Le matin, je me demande : « quel personnage je veux être aujourd’hui ? ». J’aime mettre les choses en scène, moi y compris.
Ma carrière en tant que décorateur a démarré grâce aux frères Pourcel. Il y a 8 ans, j’ai intégré l’équipe de la plage du Carré Mer, au départ à l’accueil puis très vite en tant qu’assistant de direction. Avec les années, j’ai eu envie de sublimer les assiettes par une décoration plus élaborée. À presque quarante ans, je me suis dis qu’il fallait mettre en avant mes points forts. Je leur ai simplement proposé mes services. C’est comme cela que tout a commencé, il y a 5 ans.

C.O : Vous avez intégré le Collectif Murmurs en début d’année. C’est grisant cette synergie créative ?
C.C : Complétement. Au départ, lorsqu’ils m’ont proposé de les rejoindre, j’étais un peu rétissant. Il est composé de professionnels qui ont fait de longues études dans ce domaine, ce qui n’est pas mon cas. Je suis totalement autodidacte. J’avais peur de réaliser qu’au bout du compte, ce métier n’était pas fait pour toi. Mais je me suis lancé. Cela a été très dynamisant. C’est toujours bien plus enrichissant de travailler à plusieurs. Cela n’a fait que me conforter dans mon choix. Nous avons tous des profils et des spécialités différentes, donc on est tous hyper complémentaires.
C.O : Comment définiriez- vous votre style ?
C.C : Très éclectique. J’aime mélanger les styles et les univers. Le cher et le pas cher. Tout est une question de dosage, comme en cuisine. Aujourd’hui, on aime le changement et on reçoit plus que jamais. On aime avoir un intérieur qui nous ressemble. Je mise énormément sur l’accumulation. Petits objets pas chers et grosses pièces de designer ont autant d’impact mis ensemble.
C.O : Où puisez vous vos inspirations ?
C.C : Dans mes voyages. J’ai la chance d’en faire beaucoup. C’est vraiment ce qui m’a ouvert l’esprit. J’ai travaillé à Shangaï sur l’exposition universelle par exemple, c’était incroyable. J’aime les grandes capitales mais aussi les pays moins développés pour leur artisanat. J’aime le mix des deux.
C.O : Comment avez-vous pensé la décoration du Carré Mer ?
C.C : Le Maroc et l’Indonésie ont été de véritables sources d’inspiration. Je voulais créer un univers qui pousse à l’évasion. J’ai mélangé les horizons et les univers en respectant un thème couleur. Je voulais qu’une fois assis à table, on ait l’impression d’avoir voyagé. D’être partout, sauf à Palavas-les-Flots. Tous les ans, j’y apporte des améliorations mais en conservant mon fil conducteur. D’une année à l’autre, les gens qui reviennent ont leurs habitudes. Ils ont besoin qu’on les surprenne. Ils sont très attentifs aux détails.
C.O : Et le Terminal #1 ?
C.C : Là encore les Frères Pourcel m’ont fait confiance. Pour ce projet, j’ai collaboré avec Caroline Moulin de l’agence Moca. Je n’ai pas voulu rester dans l’industriel, je trouve cela trop froid. J’ai travaillé tous les anciens repères et codes des années 70-80 pour les remettre au goût du jour. Dans un chai vigneron, le résultat est assez atypique. Pour la tapisserie par exemple, j’ai utilisé une réédition des années 60. Le carreau de ciment également, la vieille vaisselle, l’opaline, beaucoup de mobilier vintage. C’est rassurant et en même temps l’ensemble est fun et un peu décalé. Et bien sûr j’ai mélangé les styles.
Régulièrement j’y apporte aussi des améliorations. Le restaurant a été fermé pendant 3 semaines. Alors j’ai voulu créer un peu l’événement pour la rentrée. Pour rendre un endroit chaleureux, je mise vraiment sur l’éclairage et le linge de maison. Tapis, coussins ou rideaux, ici, c’était délicat, donc je suis parti sur l’idée d’un mur végétal. J’aime mettre le paquet sur l’entrée pour créer la différence !

C.O : Quels sont vos projets du moment ?
C.C : Je travaille beaucoup sur des habitations privées, essentiellement sur Montpellier. Je suis très content. C’est très excitant. Je pars bientôt travailler au Viêt-Nam pour un nouveau projet, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant…
C.O : Que retrouve t-on dans chacun des endroits que vous avez décorés ?
C.C : De l’ancien, une vieille commode, ou une armoire, un miroir. Et inversement j’aime ajouter du moderne dans un lieu ancien. Je n’ai pas de pièce type. Je crois que ma signature, c’est la mise en scène. Que l’on dise du bien ou du mal de mon travail, ce qui m’importe c’est l’émotion que je suis capable de créer.
C.O : Votre mantra déco ce serait quoi ?
C.C : Le style n’est rien mais rien n’est sans le style. Comme le disait Coco Chanel, « la mode se démode, le style jamais ». N’achète pas quelque chose parce que cela te plait mais parce que cela te va.
C.O : Comment se déroulent les collaborations avec vos clients ?
C.C : Avec les clients cela passe très bien. En général, ils deviennent des amis ! J’ai beaucoup de chance.
C.O : Dans vos rêves, les plus fous, quel endroit aimeriez-vous ou auriez-vous aimé décorer ?
C.C : Un palace en Polynésie française. De part mes origines et parce que je n’y ai jamais vécu, je rêverais de pouvoir réaliser quelque chose là bas. Ce serait une vraie fierté. J’y fais d’ailleurs souvent référence dans mes autres projets en utilisant des plumes ou encore des coquillages.
C.O : Quelle est votre plus grande fierté ?
C.C : D’être heureux et surtout de prendre du plaisir dans ce que je fais. J’ai eu envie de prendre des risques et de croire en mes aspirations. Grâce à cela aujourd’hui j’ai la chance de vivre une vie professionnelle qui m’épanouit complétement.
C.O : Un conseil  à donner à quelqu’un qui se lancerait dans ce métier ?
C.C : La gentillesse. Il faut être proche des gens quand on fait un métier comme celui-ci. Il faut arrêter avec le vocabulaire trop technique. Soyez sensible à la personne.
Jouant avec l’éclectisme, alliant pièces phares du design, couleur, goût du chic et esprit rétro, il utilise des mélanges inattendus pour créer un décor métissé, toujours harmonieux. Christian Collot impose son style et s’affirme comme la jeune garde montante de la décoration intérieure montpelliéraine.

Marie GINESTE