Ona cuisiné… Patrice CANAYER

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« Je ne suis pas un cordon bleu ».

Difficile de marier gastronomie et sport de haut niveau. S’il apprécie les restaurants, Patrice Canayer, l’entraîneur du Montpellier Handball, n’a pas beaucoup le temps d’en profiter. Mais ce qu’il aime, c’est la simplicité des bons produits.

Patrice Canayer, vous êtes depuis 22 ans le manager du Montpellier Handball. Est-ce qu’un coach ultra sollicité prend le temps de bien manger ?
J’ai la chance d’avoir une épouse qui cuisine très bien. Et qui utilise, en plus, des produits sains. Donc à la maison, je mange bien ! Après, j’aime de moins en moins les déjeuners de travail. Même si des fois, on va dans des bons restaurants, on ne prend pas le temps d’apprécier. J’essaye de ne pas mélanger le plaisir de manger et le travail. À midi, je vais souvent manger seul. C’est un moment où l’on peut se relâcher, penser à autre chose.

Vous allez où ?
Dans de petits lieux tranquilles, près du club, où je peux me mettre dans un coin, à l’abri des sollicitations. Même si les gens sont toujours très gentils, parfois, on a besoin de manger au calme. Honnêtement, le mieux, c’est quand je prends le temps de rentrer chez moi. J’ai la chance de ne pas habiter très loin du club. De plus en plus, j’essaye de rentrer à midi.

À la maison, vous ne cuisinez donc jamais ?
Non, jamais… Ma femme adore cuisiner, donc je ne peux pas trop y aller ! Pour les courses, les menus, je n’ai pas voix au chapitre ! Après, je sais faire quelques recettes : les pâtes, le barbecue… Mais je ne suis pas un cordon bleu. Pour la cuisine, comme pour beaucoup de choses, il faut avoir du temps…

Qu’est-ce que vous aimez, à la maison ?
Je mange de tout. Mais ce que je préfère, ce sont les produits simples, et bien cuisinés. L’été, j’adore les salades, les légumes grillés. J’aime aussi les produits de la mer, les viandes, sans trop de sauce… La cuisine, c’est comme dans le sport. La simplicité, c’est le meilleur, mais c’est le plus difficile. Un plat simple et bon, ça me plait.

Elle ressemble à quoi, votre cuisine ?
C’est très grand, et ouvert vers l’extérieur, avec de grandes baies vitrées. On y passe énormément de temps. L’idée, c’est que même l’hiver, on soit à la fois dedans, et dehors. C’est vraiment la pièce à vivre numéro 1.

Est-ce que votre métier influe sur votre façon de manger ?
Quand on joue deux fois par semaine, très souvent on abuse des fameux repas sportifs… C’est peut-être pour cela que j’aime la simplicité ! Un morceau de poulet avec des pâtes ou du riz, en fonction de la façon dont c’est cuisiné, cela peut être insipide, ou délicieux.

C’est quoi, le menu sportif ?
Cela dépend la période de la saison. La veille du match, on se fait un petit peu plaisir. On peut avoir de la viande rouge, un bon poisson. Avec toujours un légume et un féculent. Après, on essaye de varier. Le jour du match, c’est souvent une viande blanche. Des sucres lents, beaucoup de fruits. Selon les saisons, en entrée, cela peut être des crudités, des omelettes. L’important, c’est d’avoir des prises de repas régulières. Le petit déjeuner est très important. Et souvent, les jeunes ont tendance à le négliger. On est assez exigeants vis-à-vis des restaurants, en déplacement. On a nos habitudes, on va toujours aux mêmes endroits. Le responsable des déplacements au club a un cahier des charges, avec des menus types.

Vous surveillez l’alimentation de vos joueurs ?
On contrôle le poids des joueurs, leur masse grasse. Chacun a un poids de forme, dans lequel il s’exprime le mieux. Sinon, cela revient à travailler avec un gilet lesté ! On essaye de leur donner cette culture de l’hygiène alimentaire. Parce que si vous les nourrissez bien, et qu’à la maison, ils mangent n’importe quoi, cela ne va pas aller… Le danger, ce sont surtout les jeunes joueurs célibataires. Quand ils rentrent après l’entraînement, ils ont tellement faim qu’ils prennent ce qui leur tombe sous la main. Un joueur père de famille aura forcément une meilleure hygiène de vie. Après, je ne suis pas un ayatollah de l’alimentation. Je pense qu’on peut manger de tout. Il suffit de le faire de manière modérée.

Un coach doit-il avoir la même hygiène alimentaire ?
Je le crois. Et pas qu’au niveau alimentaire. Je trouverais inconcevable de me présenter devant les joueurs en ayant 30 kilos de trop, en étant incapable de courir avec eux. J’ai envie de me sentir bien dans mon corps, et c’est important dans le travail. Cela me paraîtrait inconcevable de demander des efforts aux joueurs… et de ne pas m’en appliquer une partie.
Vos buffets d’après-match sont réputés.

C’est important ?
C’est très important ! On a la chance de travailler avec un traiteur, Frédéric Husser, avec qui on a une relation de confiance et d’amitié. Les grands joueurs, ce sont ceux qui sont bons à chaque match. Chez les restaurateurs, c’est la même chose. Ce qui est dur, c’est que cela soit tous les jours exceptionnel. Fred Husser est sur ce niveau de qualité constante. C’est important d’offrir cela à nos clients. Bien sûr, on ne peut pas servir du caviar à tous les repas. Mais l’idée, c’est d’offrir des bons produits, et que les VIP passent un bon moment ensemble. On est en train de travailler sur ce sujet avec les Chefs d’Oc. Ce qu’on a envie de promouvoir ensemble, c’est une forme d’excellence du territoire. Nous dans le sport, les chefs, dans la gastronomie…

Est-ce qu’un bon repas suppose une bonne bouteille ?
Indispensable ! J’adore le vin, blanc ou rouge. Et j’aime encore plus les gens qui le font. Par moments, je préfère un vin moyen avec une belle histoire, qu’un grand vin sans histoire.

Du vin local ?
Presque exclusivement. La production est extrêmement riche et variée. Je suis assez fan du Pic-Saint-Loup. Un beau terroir, avec de magnifiques paysages. Les gens sont allés vers une recherche de l’excellence que j’apprécie. C’est un peu prophétique par rapport à ce que j’aimerais que devienne cette région. Après, j’ai découvert le monde du vin lors de mes études à Bordeaux. J’ai donc de temps en temps une petite faiblesse pour un bon Bordeaux…

Les joueurs sont-ils interdits de vin ?
On ne boit pas de vin à table la veille ou le jour du match. Mais par contre cela ne me gêne pas qu’ils s’accordent un verre de vin de temps en temps.

Comment jugez-vous les restaurants de Montpellier ?
C’est difficile de répondre. Il y a une part tellement subjective. Ce que j’aime dans un restaurant, c’est passer un bon moment. Avoir du temps, être bien accueilli, et bien manger. À Montpellier, il y a de très très bonnes adresses. Je suis un client assidu de pas mal de restaurants de Montpellier.

Lesquels ?
J’ai un petit faible, depuis un moment, pour le Bistrot de Bacchus. C’est très bon, et j’aime beaucoup Guillaume Despont. Le fait qu’il cuisine derrière son comptoir crée une grande proximité. Je n’y vais pas très souvent, mais il a la sympathie de nous attendre, de rester ouvert tard. Paradoxalement, c’est difficile de trouver un endroit où bien manger vers 22h30… J’aime aussi beaucoup la Réserve Rimbaud, pour son cadre magnifique et la qualité des plats. Les Pourcel, aussi, bien sûr : leurs nouveaux projets sont vraiment intéressants. Récemment, j’ai découvert le Mia, c’est très bien. Et j’ai envie de retourner à la Maison de la Lozère. Parmi les nouveaux, j’apprécie le 1789. Mais après, je ne vais pas que dans les grandes tables. J’adore aller au Bazard, où les gens sont adorables et la cuisine très simple.

Il y a peu de restaurants étoilés. Cela vous semble normal ?
Je suis bien placé pour parler des critiques ! Je ne les écoute pas souvent, dans mon métier. Les étoiles, cela ne me parle pas vraiment. Les avis sur internet… encore moins ! Quelque chose m’inquiète néanmoins : au centre-ville, il y a de plus en plus de boutiques qui ferment, et de plus en plus de restaurants qui ouvrent. Je me demande si c’est gage de qualité.

Un souvenir de gastronomie ?
Cet été, au Portugal. On avait vu sur un guide un super restaurant, dans une petite ville. On y va avec mon épouse. C’était bondé. Juste en face, il y avait un restaurant presque vide. Mon épouse me propose d’y aller. On a été reçus magnifiquement bien. On a mangé un plat local, avec des langoustes et du crabe. C’était divin. Parfois l’improvisation, ça paye.

Entrée/plat/dessert/café ?
Je suis plutôt pour la qualité que la quantité. Quand je suis en vacances, je me lâche un peu. En temps normal, c’est plus raisonnable.

Sucré ou salé ?
Je suis plutôt salé. Quand il y a un menu, je prends plus facilement entrée/plat que plat/dessert. Même si cela m’arrive d’aimer les bons desserts.
Votre famille tenait un bar-restaurant.

N’avez-vous jamais eu l’envie de travailler dans cet univers ?
J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les gens qui font ça. C’est un métier tellement contraignant… Il faut sacrifier beaucoup, notamment la vie familiale. Cela ne m’a jamais attiré.

Pour finir, que peut-on vous souhaiter pour cette saison qui débute ?
De gagner beaucoup de titres, comme ça on fera beaucoup de repas pour fêter ça ! Plus sérieusement, les titres, ce n’est pas qu’une finalité. Avec l’âge qui avance, je crois de plus en plus que le chemin est au moins aussi important que la destination. Ce qui compte, c’est que je prends toujours autant de plaisir ici. Des fois avec plus ou moins de résultats, mais le plaisir est toujours intense.

Propos recueillis par Gwenaël Cadoret