À Montpellier, les biodéchets trouvent une seconde vie locale. Des artichauts aux épluchures de betteraves, rien ne se perd dans la cuisine du chef Guillaume Leclère. Grâce aux Alchimistes, ses déchets deviennent compost. Et ses convictions, terrain fertile.
Quand Chloé Torrente parle des débuts de son aventure montpelliéraine avec Les Alchimistes, il y a dans sa voix une simplicité qui désarme. Et une conviction tenace. Car derrière cette solitude entrepreneuriale se cache une volonté bien plus grande : relier les villes à la terre. Formée en école de commerce, passée par une plateforme de financement participatif à Paris, Chloé revient dans sa ville natale en 2021. Elle y découvre une évidence : “Il n’y avait pas vraiment de solution pour les déchets alimentaires”. Elle fonde Compost Héros, qui deviendra Les Alchimistes Languedoc, antenne régionale d’un réseau national lancé en 2016. Leur ambition ? Réintégrer les biodéchets dans le cycle naturel.
“Les déchets alimentaires, c’est une ressource pour les sols.” La promesse est simple : collecter les biodéchets à vélo, les centraliser, les peser, les valoriser, puis les composter. À Montpellier, la structure monte doucement en puissance. “On a démarré à 30 clients, on en est aujourd’hui à 230”, se réjouit-elle. Et parmi ceux qui ont rejoint le projet : le chef étoilé Guillaume Leclère. Dans son restaurant du centre-ville, tout a été pensé pour allier excellence culinaire et sobriété pragmatique. “Il faut prévoir un local… en dehors de la cuisine. Nous, nous avons la chance d’avoir une cave où la température est stable.” Deux collectes par semaine suffisent à gérer les chutes, sans odeur, sans friction. “C’est là que tu te rends compte du volume !” Le témoignage de Guillaume Leclère est éclairant. En quatre mois, son établissement a produit 1,5 tonne de biodéchets, générant 280 kilos de compost, 430 kilos de CO2 évités et 155 m² de sol nourri. L’application fournie par Les Alchimistes lui permet de suivre tout cela “en temps réel”, et de sensibiliser ses équipes : “Montrer les stats, visualiser le volume, ça responsabilise”. Mais plus encore, cela transforme les pratiques. Le chef a investi dans deux déshydrateurs : “On fait sécher toutes les épluchures. On en fait des poudres : betterave, carotte… On s’en sert pour les bouillons, les assaisonnements.” Côté logistique, la collecte des Alchimistes s’adapte à chaque structure.
“C’est facturé en fonction du volume”, précise Chloé. Une souplesse bienvenue pour des établissements comme celui de Guillaume. Et si certaines contraintes persistent – stockage, législation, conditions en centre-ville –, Chloé garde le cap. “L’idée, c’est de reconnecter les déchets aux sols. Et de travailler avec des agriculteurs locaux.” Dans un avenir proche, Les Alchimistes Languedoc espèrent acheminer une partie de leur collecte directement chez des agriculteurs du territoire. Un modèle plus vertueux, plus local, plus tangible. En attendant, leur compost part vers la plateforme de la métropole. Une collaboration qui fonctionne : “La Métropole n’arrive pas encore à capter tous les biodéchets, donc ils sont contents qu’on les leur apporte”. Une boucle qui commence à se refermer, pas à pas. Ce qui plaît aussi aux professionnels ? Le lien entre action concrète et impact mesuré.
“On peut voir ce que cela représente en surface de sol, en CO2 évité…” ajoute Chloé. Et ce qui plaît aux citoyens ? Le geste, simple et sensé. “Trier ses déchets, ce n’est pas le sujet le plus sexy. Mais quand on voit le compost… ça ressemble à de la terre.” Alors, composteurs du dimanche ou chefs étoilés, chacun peut apporter sa contribution. Et chaque gramme de compost, chaque geste de tri ramènent un peu de bon sens dans la machine. Et ça, franchement, c’est de la magie. Ou de l’alchimie.