Interview étoilée Franck Putelat

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Le goût comme commerce sensible

Doublement étoilé, Meilleur Ouvrier de France, Franck Putelat cisèle ses assiettes comme on raconte une histoire. Rencontre avec un chef qui se dit avant tout commerçant du goût, entre intuition brute, amour des produits et goût assumé de l’amertume. Et qui vient relever un nouveau défi du côté de Montpellier.

Quel est le premier goût qui vous a bouleversé, lorsque vous étiez enfant ?
La pintade au vin blanc. C’est un goût fondateur, ancré, presque primal. Il me ramène à une époque où la cuisine était émotion avant d’être métier, à ma mère, à ma grand-mère.

Y a-t-il un ingrédient qui revient sans cesse dans vos assiettes ?
Oui. L’amertume. C’est le premier. Et juste derrière, l’acidité. Deux saveurs que j’adore travailler, qui structurent une assiette, qui donnent du relief. Je ne peux pas m’en passer.

Cuisinez-vous dans le silence, ou avez-vous besoin d’un bruit de fond ?
Je prépare toujours dans le calme, en amont. J’ai besoin de sérénité pour poser les choses. Mais en cuisine, pas besoin de musique : ce sont les bruits qui m’inspirent. Le crépitement d’une viande, le souffle d’une cuisson, le ballet des gestes. C’est une ambiance, une tension, une excitation culinaire. Je n’ai besoin de rien d’autre.

Comment traduire autre chose qu’un goût dans une assiette ?
Par la saisonnalité. Par l’instinct. Je parle souvent de cuisine instinctive, c’est une manière d’écouter le produit, d’être en phase avec lui. Parfois, un client arrive, me dit “je veux un poisson blanc, pas de crème, très simple”. Je réponds : “Pas de souci, on va le faire”. On est là pour ça. Il faut être dans l’instant, pas dans le dogme.

Quel est pour vous le “juste prix” d’un plat ?
C’est une équation complexe : matière première, rendement, quantité, temps de travail, énergie… On fait une fiche de rendement, on calcule ce que l’on jette, ce que l’on garde, ce que l’on valorise. Ensuite, on applique des coefficients, selon le personnel, les charges, le gaz, l’électricité, les consommables. C’est un équilibre.

Comment garder la légèreté de l’inspiration avec la pression d’un restaurant deux étoiles ?
Je ne cuisine pas pour le Guide. Je cuisine pour mes clients. Si vous travaillez avec sincérité pour ceux qui sont en face de vous, les étoiles viendront. Mais si vous commencez à courir après l’étoile, vous allez perdre vos clients, puis vos étoiles… et il ne vous restera plus grand-chose. Il faut rester libre, dans sa tête, dans ses assiettes.

Si c’était votre dernier repas, que cuisineriez-vous ?
Je me ferais une belle noix de ris de veau. Juste rôtie, croustillante, laquée avec un beurre d’algue, une petite poêlée de girolles et quelques amandes. Rien de compliqué, mais beaucoup de goût. Bien cuisiné, tout simplement.

Un petit mot sur votre arrivée au Domaine de Verchant ?
C’est un lieu fabuleux que j’apprécie beaucoup. J’y suis depuis le 16 mai. Aujourd’hui, je m’y rends une fois par semaine. Ce n’est pas simple, la conjoncture est dure, les clients sont volatiles, l’été a été rude. Mais on s’accroche. L’objectif n’est pas d’obtenir des étoiles : c’est de faire vivre un hôtel, de remplir une salle. Et surtout, de se faire plaisir. C’est ce que l’on fait. C’est un challenge que je suis ravi de relever.

LA TABLE DE FRANCK PUTELAT
80, chemin des Anglais 11000 Carcassonne
WWWW.FRANCKPUTELAT.COM

DOMAINE DE VERCHANT
1, boulevard Philippe Lamour 34170 Castelnau-le-Lez
WWW.DOMAINEDEVERCHANT.COM