Robin et Imogen, 35 et 34 ans, deux cerveaux affûtés – biologistes végétaux devenus œnologues – ont posé leurs valises à Aubais comme on pose un acte d’amour. Une cave, des cailloux, et beaucoup de rêves. Tout commence en 2015. Un demi-hectare, des raisins achetés, une vinification dans le garage de la mère. DIY pur jus. Puis quelques cuves, un pressoir emprunté, des bouts de terres grappillés. En 2021, ils rachètent enfin cette vieille cave de 1903, avec sa gueule solide et son odeur de mémoire.
La quête du caillou qui vibre
Ils ont arpenté le Beaujolais, lorgné l’Anjou, flirté avec le Rhône. Mais c’est ici, sur la Vaunage, qu’ils ont ressenti le vertige du terroir : un sol valanginien – oui madame –, vieux de 150 millions d’années, érodé, fissuré, vivant. Les racines y plongent profond, caressent la roche, boivent l’eau des nappes phréatiques. Le sol, ils ne l’ont pas seulement regardé : ils l’ont lu, sur les cartes géologiques. Et choisi. Comme on choisit un mot juste ou une histoire d’amour. De la vigne à la cave, tout est affaire de précision Aujourd’hui, 10 hectares de vignes en bio et biodynamie, certifiés Demeter. Tout est vendangé à la main, en caissettes. En cave, gravité oblige, pas de pompes ni de tripatouillage. Les raisins glissent, entiers ou légèrement éclatés, jusqu’à la cuve. Et là, silence : ce sont les levures indigènes qui bossent. Chaque parcelle est vinifiée séparément. L’inox, c’est pratique mais trop hermétique. Robin et Imogen préfèrent les œufs béton, les amphores, les fûts. Des contenants vivants qui laissent respirer, tournoyer, s’exprimer. L’élevage peut durer deux ans. Puis un an encore en bouteille. Parce que le vin, c’est comme un bon mot : il doit mûrir un peu pour faire effet.
Des vins comme des partitions
La gamme ? Une douzaine de cuvées, petites mais affûtées. Du blanc, du rouge, de l’orange, du pétillant naturel, une méthode champenoise, du vermouth, même un soupçon de cidre. Chaque vin est un essai, un poème liquide, un terrain d’expérimentation maîtrisé. La star ? Lopin, 100 % Cinsault, première parcelle achetée, premier vrai vin en propriété. Un rouge délicat, droit, profond, comme un trait d’encre sur une feuille blanche.
Le vivant, le vrai
Ce qu’ils cherchent ? La pureté. La vibration. Des rouges souples, jamais trop extraits. Des blancs tendus, minéraux. Le goût du millésime, pas celui du bois. L’énergie, mais sans esbroufe. Et puis cette foi un peu mystique dans la vie du vin. Ce que l’on ne contrôle pas mais que l’on accompagne, comme un animal sauvage apprivoisé, jamais domestiqué.
Une polyculture joyeuse et assumée
La vigne n’est qu’une partie du paysage. Le domaine s’étale sur 17 hectares, dont 5 de prairies et de bois, et 2 d’oliviers. L’hiver, les moutons paissent entre les rangs. L’été, ils se réfugient à l’ombre. La vigne n’est pas seule. Elle cohabite, elle partage, elle respire. Robin et Imogen refusent la monoculture comme on refuse les slogans creux.
Ici, on replante, on surgreffe, on expérimente. Ils ont même relancé le greffage eux mêmes, à la main, en formant l’équipe. Un vrai travail d’orfèvre. Et une volonté d’autonomie : chaque vigne replantée est une promesse d’avenir.Une cave enracinée, un duo en mouvement La cave ? Une pépite. L’un des rares lieux d’Aubais à avoir appartenu à des vignerons propriétaires, dans un village historiquement tourné vers le négoce. Pendant un siècle, la bâtisse a vu défiler des cuves et des familles. Aujourd’hui, elle vibre d’une autre énergie. L’espace est grand, lumineux, repensé. Moderne sans être lisse. Et surtout, habité.
Le vin, comme lien
Cavistes, restaurants, chefs, épiceries fines. Le réseau est solide, tissé lentement. Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Montpellier… et bien sûr la région, avec des fidèles comme Carole et Benjamin, ou Julien, fier ambassadeur du coin. Les circuits sont courts, humains. L’export ? Oui, un peu. Mais avec parcimonie. Pas question de balancer des palettes à l’aveugle. Parce qu’au fond, ce que Robin et Imogen aiment, c’est parler. Écouter. Goûter. Et construire, bouteille après bouteille, une conversation.
Domaine Berry-Althoff :
3 montée du Fort – 30250 AUBAIS
Sans rendez-vous le lundi, mardi, jeudi et vendredi de 9h à 16h30.
Sur rendez-vous le mercredi et le week-end.
T. 09 77 70 86 44 ou écrivez nous à berryalthoff@gmail.com