Le sélectionneur des Bleus dévoile ses passions culinaires et ses racines.
Derrière ses lunettes, le sélectionneur du XV de France cache un homme de terroir. Fabien Galthié, enfant du Lot, partage dans cet entretien sa passion pour la cuisine simple, ses souvenirs de mique et son amour pour la ruralité. Entre rugby et recettes, il se confie sur ce qui le nourrit vraiment.
Avant de vous dévoiler notre conversation avec Fabien Galthié, nous sommes obligés de faire un arrêt sur image sur les Halles de Ganges. C’est ici que plusieurs figures locales conjuguent leurs talents : Jean-Michel Durand, chef pâtissier de la Maison Latour, et Julien Dubroc, chef du restaurant Les Docks du GR à Saint-Martin-de-Londres. Tous deux partagent un même complice et associé, Guy Giner, initiateur du stand sur lequel nous nous trouvons. On y retrouve une offre très régionale et gourmande : pâtisserie, restauration, et cave à vin tenue par Laetitia. Le temps d’enfiler un tablier, et c’est parti pour réaliser sous le regard bienveillant de Julien Dubroc la spécialité de Jean-Michel Durand : un millefeuille inversé. Un feuilletage repensé, maison, croustillant et fondant. Et c’est dans ce décor sucré que Fabien Galthié, les yeux rivés sur les vitrines, entame son récit.
Chefs d’Oc : Est-ce que vous cuisinez ?
Fabien Galthié : Ah oui, énormément. J’aime beaucoup les crudités, les soupes, les légumes. Avant, je cuisinais plus de viande, mais aujourd’hui j’en mange beaucoup moins.
Est-ce votre truc, la pâtisserie ?
Je fais très simple. Ma spécialité, c’est la crêpe. J’adore ça. Je peux en manger 15 ou 20 d’un coup… et faire la sieste ensuite. (Rires)
Avez-vous un secret pour la pâte ?
Alors attention… œufs, farine, une gousse de vanille – pas d’arôme, hein, la vraie –, une bonne rasade de rhum, et surtout, le détail qui tue : le beurre noisette. Ça, c’est ma grand-mère. Voilà. On est entre la crêpe et le pancake. Ça fait ma réputation. (Rires)
Vous êtes originaire du Lot. Y a-t-il un plat de là-bas qui vous ramène à l’enfance?
Oui, la mique. C’est un pain cuit à la vapeur, au dessus d’un faitout de soupe. Un pain cuit dans un torchon, à la vapeur du bouillon. L’histoire veut qu’une femme, n’ayant plus de place au four à pain du village, ait eu l’idée de cuire sa pâte au-dessus de la soupe. Cela a donné cette croûte tendre et cette mie dense et moelleuse.
Quel est votre attachement à la région ?
Je suis tombé amoureux du village de Saint-Martin. J’y ai fait de belles rencontres, et de belles amitiés sont nées.
Qu’est-ce que vous aimez ici ?
La ruralité, les reliefs, les rivières, ce côté sauvage. C’est un ancrage. Moi, je suis un enfant de la forêt, élevé dans une ferme du Quercy. J’ai toujours rêvé d’être agriculteur.
Et si vous le faisiez ?
Pourquoi pas des vignes, des oliviers… ou de
l’élevage. De l’agneau, peut-être.
Est-ce un retour aux sources ?
Oui, à la beauté des origines. J’aime aussi les villes, mais les racines me nourrissent. Je me sens bien dans les petits villages.
On sent que vous êtes très proche des gens.
Oui, je suis quelqu’un de très familial, très sociable. J’aime le contact humain, je m’en nourris.
Vous avez beaucoup voyagé. Une cuisine étrangère vous a-t-elle marqué ?
Chacune a quelque chose d’unique. Cet été, j’étais en Argentine, un autre rapport à la viande. La Nouvelle-Zélande aussi. Et puis le Royaume-Uni, où je vais souvent. J’apprécie autant la culture que la nature. La nourriture, souvent, mène à la nature.
La cuisine, la vie, le rugby… est-ce que ce sont des univers qui dialoguent ?
Oui, sûrement. Le rugby prolonge les foires, les marchés, les rituels sociaux. C’est un jeu, mais aussi un enracinement.
Vous êtes réputé exigeant. Et en cuisine, est-ce que vous improvisez ?
Que de l’improvisation ! C’est peut-être pour cette raison que je n’aime pas la pâtisserie, c’est trop rigide. La pâtisserie, c’est au centième près !
Avez-vous un souvenir marquant à une table, un plat, un chef ?
Trois, même. Trois chefs que je porte très haut dans mon cœur. D’abord, Christian Constant, que j’ai rencontré à l’époque où il dirigeait un trois étoiles à Paris… le nom m’échappe, mais ce n’est pas bien grave. Ce qu’il faut retenir, c’est que c’est un monument. Il a formé toute une génération, dont Yves Camdeborde, autre chef que j’admire profondément. Tous deux ont quitté les étoiles pour retourner au bistrot. Pas besoin de strass quand on a du fond. Et puis, il y a Guy Savoy. Trois chefs, trois amoureux du rugby. Et des maîtres en leur art.
Un plat en particulier qui vous a marqué chez eux ?
Chez Christian Constant, les macaronis de sa maman… Une tuerie. Chez Camdeborde, la soupe d’artichaut à la brioche truffée. Et chez Guy Savoy, un dessert au café… impossible à décrire, encore plus à refaire, mais inoubliable.
Et si vous deviez organiser un dîner avec trois figures du rugby, vivantes ou non ?
Jean-Pierre Rives, bien sûr. Yves Bergougnan, une légende que je n’ai pas connue, mais qui m’a toujours fasciné. Et Jonah Lomu. Trois personnalités fortes, atypiques, inoubliables.
Et ce dîner, où le feriez-vous ?
Ici, aux Halles de Ganges. C’est simple, bon, vrai.