Guillaume Despont : le bistrot de Bacchus

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Membre de l’Association Chefs d’Oc, il est surtout le chef du restaurant le Bistrot de Bacchus installé dans le quartier des Arceaux depuis 2012. Guillaume Despont est un amoureux du terroir qu’il révèle avec enthousiasme dans une cuisine qui aiguise l’appétit et la joie de vivre. Il est un ambassadeur à part entière de la cuisine française dite canaille dont la seule mission est de transmettre les goûts authentiques de nos terroirs. Guillaume Despont s’anime d’une philosophie qui met le produit au premier plan, dans sa qualité comme dans sa préparation. Sa cuisine fuit l’esbroufe avec aise. Il maîtrise à la perfection la magnificence du produit sans l’édulcorer.
Guillaume Despont est sans conteste un grand chef  par son travail et par la façon dont il appréhende ses plats. Mais sans doute aussi la vie : avec générosité. Passer une journée avec lui suffit à vous convaincre. Et si le doute persiste, il suffit d’écouter parler les clients unanimes sur un point : lorsque l’on va au Bistrot de Bacchus, on ne va pas au restaurant, on va chez Guillaume.

6h00

C’EST L’HEURE DES COURSES

Le mardi et le samedi, le chef privilégie le marché des arceaux. Le jeudi, c’est Métro. Le jour n’est pas encore levé. Nous le retrouvons à l’intérieur du magasin. Il s’affaire déjà depuis un bon quart d’heure. Les fruits, les légumes et le poisson qu’il a commandé deux jours avant. Un turbot et un capitaine. Tout le monde le salue, y va de son petit mot. Armé de sa liste et de ses deux caddies, on continue les courses dans la bonne humeur. Des minis poireaux, du gingembre, des pommes, des cèpes, des girolles…c’est Marjolaine, son second qui lui envoie la liste tous les soirs. L’ardoise du restaurant, ils la changent tous les jours. Il aime construire ses plats autour du choix de la viande ou du poisson. Nous rencontrons un autre chef, Richard Juste. Nous discutons mais pas trop longtemps. Il est déjà l’heure de partir. Le bal des fournisseurs est sur le point de commencer.

7h10

LE BISTROT DE BACCHUS

La cuisine est ouverte sur la salle. Nous prenons place au comptoir qui donne directement sur les fourneaux. La décoration est sobre mais chaleureuse. Du bois, des motifs vichy, des photos en noir et blanc (prises par le chef, c’est sa deuxième passion), des livres …bref une ambiance bistrot au charme exquis. On s’y sent comme à la maison, à l’aise. Sans chichis.
Nous prenons quelques instants autour d’un café pour discuter des actualités du restaurant et de chez Paulette, le deuxième établissement qu’il a ouvert avec sa femme, en décembre 2016. Un snacking « chic » où l’on trouve des produits du marché.

7h30

CONFIDENCE AU COMPTOIR

À peine arrivé, le chef réceptionne les produits des différents fournisseurs, la viande puis le pain. Après avoir rangé les courses et mis un peu d’ordre, le chef prend place en cuisine. Tout en préparant la viande, il nous parle de son parcours. De son amour pour la cuisine, transmis par Paulette, sa grand-mère dès son plus jeune âge, de sa jeunesse en Normandie ; de l’école qui l’ennuie un peu jusqu’à son CAP cuisine qu’il obtient à 17 ans. Et puis vient le temps de s’exercer. D’abord Paris où il travaille pour Pierre Cardin et le groupe Maxim’s, puis les Ardennes, le sud…un tour de France par lequel il étanche sa soif d’apprendre. Montpellier, il s’y installera après y avoir passé des vacances. Un grave accident le forcera à s’éloigner des cuisines. Commence alors une nouvelle vie, celle d’un consultant. Pendant 12 ans, il s’exerce au conseil en stratégie hôtelière. Mais l’amour des fourneaux est trop fort. Il crée le Bistrot de Bacchus. Au commencement, l’établissement ne dispose que de 16 couverts. Seul en cuisine, avec une personne en salle, l’idée d’une cuisine ouverte s’impose comme une évidence. Ce sera une des clés du succès de l’établissement.
Marjolaine, le second du chef depuis 2 ans vient d’arriver. Elle s’occupe de dresser les tables et la salle. La rue commence à s’éveiller. Le caviste juste en face nous salue et vient prendre son café.

 

9h15

ATELIER POISSON

Marjolaine passe en cuisine. Elle prend en charge le capitaine, le chef le turbot. Ils ne gaspillent rien. Les filets sont mis de côté tandis que la peau et les arrêtes sont utilisées pour un fumet. Les minis poireaux sont cuits puis trempés dans la glace. Cela permet de figer leur couleur et de stopper la cuisson. Quand aux coques, elles sont trempées dans de l’eau salée. De cette manière, elles s’ouvriront pour laisser échapper le sable qu’elles contiennent.
Avec cette générosité qui le caractérise, le chef nous distillera tout au long de la journée ses petits trucs, sa vision et sa technique, nous faisant goûter et nous questionnant parfois même à notre tour.
Il nous demande si nous avons déjeuné. La réponse est non. Et à dire vrai, toutes ses odeurs nous ont ouvert l’appétit. Sans attendre, il s’installe derrière son piano de cuisson.
Quelques minutes plus tard, nous voilà attablés au comptoir, savourant des œufs aux plats sur leur lit de poireaux. Un régal.


10h30

TOUT LE MONDE AUX FOURNEAUX

La matinée s’enchaîne très vite. De concert, la brigade arrête le menu. On l’imprime et on le dispose sur les tables. Le chef s’attaque aux accompagnements : purée de pané, girolles, cèpes et aubergines au programme tandis que Marjolaine se lance dans la préparation des desserts.
Il nous parle de ses inspirations : Paul Bocuse mais surtout Eugénie Brazier, «l’ardente Brazier» comme l’appelait Jacques Prévert, la première femme à avoir obtenu deux fois 3 étoiles au Michelin en 1933. Il nous rappelle qu’ici, on vient pour son ris de veau. On échange sur la place des femmes en cuisine par le passé et aujourd’hui. Marjolaine rebondie et nous explique son souhait de créer un jour une association de femmes dans ce milieu parfois trop masculin. Le chef la soutient. Nous aussi.
Pascale des Fleurs de Calou vient de pousser la porte. Elle vient livrer en personne son incroyable mesclun. Le téléphone sonne, de nouvelles réservations pour le midi sont prises.

11h30

PETIT TOUR CHEZ PAULETTE

Nous laissons le chef quelques minutes pour traverser la rue et nous rendre Chez Paulette, clin d’oeil à sa grand-mère, où Beryl s’active en cuisine. On est accueilli par la femme du chef. Dans la vitrine sont disposés de multiples petites tartines toutes aussi appétissantes les unes que les autres, des pâtisseries, des cookies, des éclairs, mais aussi des plats chauds, des gratins, des salades du marché.

12h15

« ALLÔ »

Les premiers clients viennent d’arriver. Une table de trois personnes. C’est le chef qui les accueille en personne et qui les place. « Allo, les entrées, deux tartares et une déclinaison, à suivre trois turbots». Marjolaine s’occupe des entrées. Le chef, lui, prend place devant le piano et prépare les girolles qui accompagneront les plats. De nouveaux clients viennent de pousser la porte. Une table de trois, une autre de deux. Le chef virevolte entre la salle et la cuisine, prend les commandes, débouche les bouteilles, prépare une liaison pour sa sauce.
Un couple s’installe au comptoir. Des habitués, devenus presque des amis. Puis un copain de longue date. Marjolaine passe en salle et lève les entrées. Les premiers plats peuvent être dressés. Le chef installe une nouvelle table de deux. Le téléphone sonne. Marjolaine surveille les cuissons. En à peine une heure, le restaurant affiche complet. Le chef finit ses premiers dressages puis retourne en salle. Marjolaine peaufine les dernières entrées. La cuisine est en ébullition.

13h30

LES DESSERTS

La petite brigade s’affaire dans le calme pour la quinzaine de clients en salle. Avec précision, et sang froid. Aucune tension n’est palpable. Chacun sait ce qu’il a à faire. Toutes les entrées ont été envoyées. Pendant que le chef prépare deux foies de veau, Marjolaine attaque les desserts.
Au comptoir, les clients nous racontent avec gentillesse quelques anecdotes. La cuisine de Guillaume Despont, ils l’adorent. Mais pas seulement. Ils apprécient l’homme aussi. Les premières additions sont demandées.

14h30

REPAS DU PERSONNEL

Le restaurant se vide au fur et à mesure. Avec une précision presque militaire, Marjolaine fait place nette pendant que le chef nous prépare quelque chose à manger assorti évidemment d’un bon cru de la région. Ici on déjeune après le service.

15h00

REPRENDRE DES FORCES

Tout s’est enchaîné très rapidement, jusqu’à maintenant où le restaurant retrouve son calme. La cuisine est rangée, les tables redressées. Tout est prêt pour le service du soir. Marjolaine prend congé. Le chef profite de l’après-midi pour élaborer les prochaines ardoises, passer les commandes, gérer le site internet du restaurant. Si le planning lui permet, il se repose avant le service du soir sur son petit matelas qu’il garde secrètement à l’arrière du restaurant.

18h30

LES DERNIÈRES TOUCHES

La cuisine reprend vie en fin de journée. Marjolaine est de retour. C’est l’heure de faire le point. Ce soir 4 réservations sont prévues. On commence la mise en place. On prépare le service. Les gestes sont précis, la concentration aiguisée.

19h45

LE TOP DÉPART

Le premier client prend place. Marjolaine est aux commandes. Ce sera un foie de veau en direct. C’est reparti. Dans les casseroles les poireaux, dans la poêle les champignons. Un couple s’installe en salle. En cuisine, on assaisonne, on goûte. Le service du soir est lancé.

20h30

LE COUP DE CHAUD

Les commandes s’enchaînent. Comme à midi, c’est un aller-retour millimétré qui commence entre la salle et la cuisine. Le restaurant affiche complet. Les entrées, les plats et les desserts se succèdent et se chevauchent! On cuit, on dresse, on envoie. Le rythme est donné. Le chef a repris sa place devant les fourneaux. Le téléphone sonne encore. On note les réservations à venir. Les rires et les discussions animeront la salle et le comptoir, jusqu’à la fin du service et même un peu après.

22h30

LA PRESSION RETOMBE

Après dîner, un couple d’habitués (devenus des amis) nous propose un dernier verre. L’occasion d’échanger sur le lieu et sur la cuisine de Guillaume Despont dont ils parlent avec beaucoup de sincérité et d’amitié. Une cuisine qui selon eux, et on leur concède volontiers, touche autant l’âme que le cœur. Dans toute son humilité, le chef assis à nos côtés, restera silencieux.

23h00

LA FIN DU SERVICE

Les derniers clients sont partis, la cuisine est prête pour le lendemain. Les lumières s’éteignent petit à petit. Le chef le dit lui même. Le rythme de travail est intense. Mais à 47 ans, la soif d’apprendre est toujours aussi présente. Celle de transmettre aussi. Encore une belle histoire gustative à écrire.

MARIE GINESTE